16 Juil 2025
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Par Derick Ngaira

Les ambitions de développement de l’Afrique – de la couverture santé universelle (CSU) à la construction d’infrastructures résilientes au changement climatique – resteront hors de portée si le continent ne se concentre pas sur le financement national. Lors de la Conférence sur les Preuves pour le développement (Conférence  Evi4Dev) de mai 2025, l’un des débats les plus urgents a porté sur la manière dont le continent peut financer durablement ses propres progrès. Un consensus s’est dégagé sur la nécessité pour le continent de moins dépendre de l’aide et des prêts extérieurs, et davantage de solutions locales optimisant les ressources nationales.

Le paysage mondial du développement est en pleine mutation. Le retrait des bailleurs de fonds, les crises mondiales et l’évolution géopolitique ont révélé la vulnérabilité de l’Afrique face à sa dépendance excessive à l’aide étrangère. Mais ce défi offre également une opportunité: créer des systèmes financiers nationaux plus solides et plus responsables, répondant directement aux besoins du continent. L’avenir du développement de l’Afrique ne réside pas dans les dons des autres, mais dans ce que le continent peut mobiliser et gérer. Une voie évidente est la mobilisation innovante des ressources. Les gouvernements doivent explorer de nouvelles sources de revenus, notamment des taxes affectées à la santé, à l'éducation ou à l'adaptation au changement climatique. Dans des pays comme le Rwanda et le Ghana, par exemple, des prélèvements ciblés sur les billets d'avion ou les transactions d'argent mobile ont financé avec succès des programmes de santé publique et d'urgence. Ces approches créatives devraient être déployées et adaptées à l'échelle du continent.

Les partenariats public-privé (PPP) offrent également un potentiel inexploité considérable. Structurés de manière transparente et équitable, les PPP peuvent mobiliser des capitaux, des compétences et des gains d'efficacité du secteur privé tout en permettant aux gouvernements de conserver le contrôle stratégique du financement des biens publics. Les infrastructures, l'énergie, les transports et l'éducation peuvent tous bénéficier de collaborations bien conçues qui partagent les risques et les bénéfices. Cependant, une gouvernance solide est indispensable pour éviter la recherche de rente ou l'accaparement par les élites.

Au-delà de la mobilisation des fonds, les gouvernements africains doivent également repenser la manière dont l'argent est dépensé. Trop souvent, les budgets publics sont grevés par l'inefficacité, les doublons et le gaspillage pur et simple. Transformer les dépenses publiques ne se résume pas à l'austérité: il s'agit d'aligner les dépenses sur l'impact du développement. Les technologies émergentes, notamment l'intelligence artificielle, peuvent améliorer le suivi budgétaire, signaler les anomalies et prédire les investissements à fort rendement. Parallèlement, la décentralisation des budgets et l'octroi d'un contrôle financier accru aux collectivités locales peuvent accroître l'efficacité et la responsabilisation des communautés, car les dirigeants locaux sont souvent mieux placés pour comprendre et répondre aux besoins, aux priorités et aux contextes spécifiques de leurs communautés.

Il est essentiel de renforcer la gouvernance des systèmes de gestion des finances publiques. L'Afrique doit moderniser ses processus budgétaires, garantir des audits ponctuels et bâtir des institutions non seulement transparentes, mais aussi réactives aux réalités économiques changeantes. Face au changement climatique, aux pandémies et aux bouleversements numériques qui transforment le paysage du développement, les systèmes financiers africains doivent être agiles, axés sur les données et pérennes.

La conférence Evi4Dev a souligné que le développement durable ne se résume pas à la quantité d'argent dont dispose l'Afrique, mais aussi à la manière dont nous l'utilisons judicieusement. Cela implique d'investir dans des secteurs générateurs de valeur à long terme: l'éducation, la santé, la recherche, les infrastructures et les énergies vertes. Cela implique également de lier les plans nationaux de développement à des budgets réalistes et bien gérés, et de veiller à ce que les citoyens voient des résultats tangibles des dépenses publiques.

En fin de compte, pour financer durablement le programme de développement de l'Afrique, les dirigeants doivent avoir le courage de prendre des décisions budgétaires difficiles, de lutter contre la corruption et de privilégier une croissance inclusive. La société civile, les médias et les citoyens ont également un rôle à jouer: demander des comptes aux institutions et exiger que les ressources publiques servent véritablement le bien public. 

La cinquième partie de la série de blogs se concentrera sur la nécessité de renforcer les partenariats pour réaliser le développement en Afrique.